N° 175-176, janvier-juin 2005 : La s?ration des Eglises et de l'Etat

Type de document : Article
R? Fabre, Jean Faury et Jacqueline Lalouette

Avant-propos

Table des matières

Ce num? repr?nte une des contributions de la Soci? d’?udes Jaur?ennes aux travaux qui marquent le centenaire de la loi de 1905. Les d?ts anim?de l’assembl?g?rale des jaur?ens du 6 mars 2004, la derni? ?aquelle avait particip? et avec quelle pr?nce ! – Madeleine Reb?oux, ont inaugur?ne r?exion collective sur la loi de S?ration qui s’est depuis lors d?lopp? Depuis cette date, plusieurs d’entre nous ont particip?ux nombreux colloques, d?ts, journ? d’?des scientifiques et / ou associatives qui jalonnent cette ann?de comm?ration. Au tout premier d’entre eux, dans l’ordre chronologique, celui de Sor? – dont Philippe Oulmont pr?nte ici les Actes –, Madeleine devait parler de Jaur?et la S?ration, un grand sujet en suspens, que nous n’avons pas voulu – ou pas pu – remplir ici, mais qu’il nous faudra bien reprendre, ne serait-ce que dans le futur volume des Œuvres.

En attendant, et d’ores et d?, on ne peut qu’?e frapp?ar les multiples ?os, par l’importance non seulement scientifique mais « soci?le » du centenaire de la s?ration des ?lises et de l’?at, une importance que l’on n’aurait probablement pas imagin?un quart de si?e plus t?et qui tranche avec le grand silence qui avait pr?lu lors du cinquantenaire de la loi. Maurice Agulhon nous faisait remarquer il y a quelques jours1 le caract? tr?politique de cette c?bration la?e qui a ? en quelques mois mise successivement en rapport avec la question du foulard islamique, puis avec celle de la constitution europ?ne, c’est-?ire avec les sujets les plus br?ts de l’heure, des sujets qui sont, par la force des choses, tr??ign?de la probl?tique du L?slateur de 1905. La paix semble d?rmais s’?e faite sur le contenu de la loi, et chacun se dit pr???brer un texte fondamental, presque une « arche sainte » de la R?blique. Pourtant, la controverse a resurgi avec vigueur sur l’interpr?tion du mot « la?t?, revendiqu?ar tous, mais entendu dans des sens divergents, voire oppos? Une conception citoyenne de l’histoire incite ?endre compte de cette actualit??ontribuer ?on analyse, ce qui passe en particulier par un travail de comptes rendus que ce cahier inaugure, mais qui sera poursuivi dans les num?s suivants, l’abondance des publications relatives ?a S?ration n’ayant pas permis d’en assurer une recension exhaustive. Les Actes des nombreux colloques ne seront d’ailleurs publi?qu’en 2006, voire 2007.

Par ailleurs, gr? aux contributions qui suivent, nous avons voulu avant tout replonger dans le moment historique, celui du si?e pr?dent avec la vitalit?t la vigueur de ses affrontements autour de la la?t?de la question religieuse, de la S?ration. Notre projet a ? de sortir quelque peu des sentiers battus, en mettant en lumi? certaines situations provinciales (le Tarn, la C?d’Or), ou dioc?ines (les dioc?s de Meaux et de Versailles), en attirant l’attention sur des inventaires dont il n’est jamais question, ceux de 1905, et en pr?ntant les positions de Maurice Allard – qui n’est pas un inconnu certes : Jean-Marie Mayeur l’a amplement cit?ans son histoire de la S?ration – ce libre penseur socialiste qui appartient non au groupe des concepteurs de la loi, mais plut? celui des excessifs, des ultras de la la?t?de la libre-pens?et de l’anticl?calisme, des emp?eurs de « l?f?r en rond ». Quelques coups de projecteurs, quelques morceaux de France trac??rande ?elle, ?ommencer par le d?rtement de Jaur? permettent, nous l’esp?ns, d’ajouter au paysage historique de 1905 quelques nuances, quelques couleurs suppl?ntaires. Dans deux des quatre articles ici publi? surgit la permanente pr?nce de la question sociale non seulement ?’arri?-plan, mais, pour ainsi dire ?’int?eur de la question de la S?ration. Ce qui est espoir et projet pour Jaur? que la S?ration soit le pr?de ?ne politique de transformations sociales hardies, voire de r?lution, constitue pour ses puissants ennemis d?rtementaux, les Reille, une forte inqui?de, presque une hantise. Les deux autres articles, portant sur la C?d’Or, la Seine-et-Marne et la Seine-et-Oise, rel?nt davantage d’une approche d’histoire religieuse de la loi, mais il est bon que des lectures diverses soient associ? dans un m? num?, car la S?ration releva bien conjointement du religieux, du politique et du social.

Qu’on la d?re ou qu’on la craigne, la S?ration fut bouleversement. Entre Maurice Allard qui est convaincu que, pour changer le monde, il faut an?tir les pr?es et la religion, et ceux pour qui d?ndre l’?lise, c’est prot?r l’ordre, l’?ilibre identitaire du groupe villageois, il y a comme une convergence des refus. Les r?exes sociaux sont aussi pour beaucoup dans la mobilisation contre les inventaires. On connaissait les r?exes ancestraux contre le fisc, le gendarme, le pouvoir urbain qui ont jou?ans la d?nse des ?ises en 1906. Mais on mesure plus concr?ment peut-?e l’identit?e « producteurs » qui sourd des l?es paysannes2, avec les cris « bas les fain?ts ! » prof?s dans les paroisses de la montagne tarnaise proches de Mazamet contre les fonctionnaires venus proc?r aux inventaires. Les « ?tteurs » sont des cl?caux et des contre-r?lutionnaires, mais dans un autre face ?ace le cri pourrait aussi bien ?e lanc?ar des syndicalistes r?lutionnaires.

Le d?ulement de la crise de la s?ration et des inventaires sugg? aussi, nous semble-t-il, la force de l’imaginaire et du symbolique dans les r?tions sociales, et ce dans toutes les familles politiques et id?ogiques. Le contenu r? de la loi a eu peu de poids par rapport au mot presque magique de « S?ration », ce mot qui ne figure que dans le titre de la loi. Maurice Allard lui-m? semble avoir eu du mal ?onvaincre ses camarades libre-penseurs du Var du caract? n?tif d’une loi si ardemment d?r?a class="footnotecall" id="bodyftn3" href="#ftn3">3. Quant aux cardinaux verts et aux clercs subtils, ils sont des g?raux ou des caporaux sans troupes par rapport ?eux qui ne voient dans la s?ration que menace et agression, parce que le poids du mot ?it tout aussi fort dans le camp catholique, mais aussi ?ause de la mobilisation et de l’escalade combiste, de la fa? dont la loi de 1901 avait ? appliqu? Aujourd’hui encore, dans la perception du grand public, ne rabat-on pas confus?nt la loi Briand sur l’œuvre du petit p? Combes ? Ou, par un curieux effet r?oactif, ne voit-on pas dans la r?ession anticongr?niste une des dimensions de la politique de « s?ration de l’?lise et de l’?at » ? Les hommes d’?at qui ont pens?t progressivement modifi?e contenu de la S?ration, de la proposition Pressens? la loi du 9 d?mbre 1905 en passant par les divers avant-projets Briand, l’amendement de l’article 4, etc. ont fait preuve d’une grande intelligence politique et montr?eur capacit? s’arracher ?eur propre syst? de r?rences en se montrant attentifs aux exigences de r?blicains mod?s, comme Alexandre Ribot, en acceptant d’infl?ir dans le sens de la libert?a politique anticl?cale du Bloc. Loin des lectures st?otyp? et convenues de l’histoire de la s?ration, le travail des historiens consiste ?xpliquer ces diff?nces et ce cheminement, ?aire les distinctions n?ssaires, sans rabattre non plus les affrontements du pass?ur leurs choix citoyens du pr?nt.

Ce dossier prouve, souhaitons-le, que l’?de de la S?ration constitue encore un champ de recherche qui appelle de nouvelles ?des, par exemple l’analyse de tous les amendements d?s?pour infl?ir la loi dans tel ou tel sens, la place de diverses personnalit?catholiques ou anticl?cales dans les d?ts, les r?tions aux op?tions des inventaires de 1905, les prises de position du clerg?aroissial et des Semaines religieuses sur l’ensemble du territoire national, sans compter les nombreuses recherches qui restent ?ener sur les lendemains imm?ats de la s?ration (la reprise des grands s?naires et des palais ?scopaux, la nouvelle affectation de tous les b?ments repris, le destin des biens des menses et des fabriques etc.)

R? Fabre, Jean Faury, Jacqueline Lalouette

Notes de base de page numériques:

1 Dans une lettre en date du 21 ao?005. Maurice Agulhon devait pr?nter ce num? – il en a ? malheureusement emp??, ces lignes, du moins, reprennent certaines des remarques qu’il avait faites.
2 Ou « paysannes-ouvri?s », beaucoup d’ouvriers de l’industrie laini? de Mazamet r?dant dans les villages alentour o?s cultivaient leur lopin. Ils ?ient souvent des ?cteurs du baron Reille, en partie par hostilit?u patronat protestant et r?blicain.
3 Alors qu’il sugg? dans son intervention au congr?de Brignoles de la Libre Pens?varoise du 7 mai 1905 que mieux vaudrait « l’avortement de cette loi que son adoption », l’appel du congr?parlait de « donner l’exemple ?a France des f?s qui, sur toute l’?ndue du territoire c?breront le succ?du grand principe r?blicain ». Voir : Xavier Giovanetti, « La mobilisation varoise pour la loi de s?ration : le congr?de Brignoles du 7 mai 1905 » in Jean-Marc Schiappa (coord.), 1905 ! La loi de s?ration des ?lises et de l’?at, ?tions Syllepse, 2005, p. 476. !

Pour citer cet article

R? Fabre, Jean Faury et Jacqueline Lalouette, «Avant-propos », Cahiers Jaur?/i>, N° 175-176, janvier-juin 2005 : «La s?ration des Eglises et de l'Etat», pp. 3-6.
En ligne : http://www.jaures.info/collections/document.php?id=421