N° 201-202, juillet-décembre 2011 : Lectures

Type de document : Editorial
Gilles Candar

Rendre compte

Table des matières

Ce Cahier de Lectures est particulièrement volumineux. Il est le fruit d’une production historiographique importante (quatre-vingt-quatre ouvrages présentés et analysés dans ce recueil) et du travail de nos collègues coordonné et impulsé par notre exigeant et efficace directeur, Alain Chatriot.

Conformément à nos nouvelles habitudes, nous regroupons ces comptes rendus en chapitres, huit ici, qui permettent à la fois de donner plus de cohérence à ce Cahier et plus de lisibilité aux priorités assumées. Nous accordons et continuerons à accorder une place privilégiée à Jaurès, au mouvement socialiste de son époque, en France et dans le monde, à son environnement politique, social et culturel. Mais nous assumons tout autant un élargissement certain des perspectives. Celui-ci est de toute façon nécessaire. Comprendre le temps, l’action et les politiques de Jaurès suppose de s’intéresser à ces problèmes dans un temps long et en décloisonnant les espaces. Il n’est pas inutile de réfléchir aux choix de René Cassin, à Mai 68 ou aux évolutions récentes de l’industrie dans l’Ouest français pour travailler sur le socialisme des juristes, la grève ou l’action syndicale, les évolutions de l’économie au temps de Jaurès.

Les Cahiers Jaurès ne cherchent ni à être une revue dominante, ni à définir une improbable orthodoxie « jaurésienne ». Les lectures ici rassemblées souhaitent être utiles, informer, analyser, aider à comprendre et à débattre, voire suggérer ou proposer études, rapprochements ou objections… Depuis la fondation de la Société (1959) et du Bulletin (1960), les équipes des études jaurésiennes ont été, sont et resteront diverses, ce qui n’interdit pas le bon compagnonnage et même parfois davantage, d’autant que nos préoccupations se rejoignent souvent. Mais la communauté des centres d’intérêt, la proximité de la formation et des méthodes de recherche et de travail, des sympathies voisines ou pour le moins compatibles ne débouchent, heureusement, sur aucune uniformité. Nous essayons même de développer cette diversité : nous cherchons à trouver des auteurs de comptes rendus qui soient compétents et disponibles, mais en privilégiant si possible des auteurs susceptibles d’apporter un regard au moins extérieur sur les travaux discutés. Nous nous adressons ainsi à des collègues qui ne font pas nécessairement partie des équipes habituelles de notre Société ou de ses Cahiers et nous recherchons la collaboration de collègues étrangers, ici de l’Italie à la Grande-Bretagne en passant par les États-Unis d’Amérique. Il nous semble que procédant ainsi notre travail s’avère constructif et qu’il répond au goût bien connu de Jaurès pour la discussion et le débat, voire la controverse, « d’esprit à esprit, de conscience à conscience ».

Pour continuer dans un style jaurésien, nous ne nous calomnions pas assez nous-mêmes pour prétendre toujours réussir et réaliser à la satisfaction générale nos ambitieux objectifs. Du reste, nos lecteurs comme nous-mêmes peuvent avoir des réserves ou rester dubitatifs sur tel ou tel article. Toutes les argumentations n’emportent pas la conviction ; même explicités, des commentaires restent discutables. Il arrive qu’un ouvrage soit traité ici différemment que dans une autre revue, malgré la sincérité de chacun et la proximité jaurésienne des auteurs concernés. En revanche, et heureusement, les publications des animateurs les plus assidus de nos Cahiers et de notre association n’échappent pas non plus à des lectures critiques. Nous veillons à ce que les points de vue soient étayés et argumentés, et à maintenir une équité de traitement, en espérant rester partie prenante d’une vie intellectuelle libre et éveillée. Pour le reste, les Cahiers Jaurès demeurent ouverts aux échanges et aux controverses… et souhaitent constamment s’améliorer.

S’agissant de ce numéro, il nous semble possible de constater un certain nombre de points encourageants. Jaurès est bien présent, dans le débat intellectuel comme dans l’actualité. Un texte peu connu est traduit et publié en italien, le Jaurès philosophe, longtemps méconnu, refait peu à peu surface, colloques et études apportent de réelles avancées historiographiques, je me contenterais de signaler ici tout ce que nous apporte Jean Faury sur la connaissance de la politique républicaine dans le Tarn au moment des débuts électoraux de Jaurès (Jaurès, enfant de Castres). Des textes importants des uns et des autres, peu ou pas du tout accessibles, sont désormais disponibles : outre Jaurès, il faut dire un mot particulier des Cahiers de Barrès et du témoignage d’Alphonse Cilière sur les massacres d’Arméniens au temps d’Abdul-Hamid. Des auteurs, confirmés ou nouveaux, publient des livres importants, sur la République, les socialistes du premier XIXe siècle, les jours de fête ou l’industrie et les hommes dans telle ou telle région, comme à Mazamet. Il ne semble pas trop injuste ni exagéré d’attirer l’attention de nos lecteurs sur trois thèses importantes qui viennent d’être éditées en livres, sous la forme adaptée nécessaire, et qui sont ici analysées, prolongeant des discussions déjà entamées dans notre revue1, mais probablement et heureusement loin de s’achever : Camarades !, de Romain Ducoulombier, sur la naissance du Parti communiste français, qui traite aussi du socialisme français et de ses évolutions avant 1920 ; Le Racing Club de Lens et les « gueules noires » de Marion Fontaine, sur les liens entre club et équipe de football avec une ville, une région et des groupes sociaux et politiques ; Les batailles de l’impôt, de Nicolas Delalande, entre consentement et résistances. Une thèse d’histoire politique, une d’histoire sociale et culturelle, une autre d’histoire économique et politique ? En fait, ces travaux importants ne s’enferment naturellement pas dans des approches restrictives et valent par l’ampleur du regard et l’acuité des analyses.

Notes de base de page numériques:

1. Marion Fontaine intervient souvent dans les Cahiers Jaurès, mais pas encore directement à propos du fameux et vaillant RCL. Pour les deux autres thèses signalées, cf. Romain Ducoulombier, « Les socialistes devant la guerre et la scission (1914-1920) », Cahiers Jaurès, n° 189, juillet-septembre 2008, pp. 33-55 ; Nicolas Delalande, « Jaurès, les socialistes et l’impôt : un débat historique (1880-1914) », Cahiers Jaurès, n° 197, juillet-septembre 2010, pp. 3-26.

Pour citer cet article

Gilles Candar, «Rendre compte », Cahiers Jaurès, N° 201-202, juillet-décembre 2011 : «Lectures», p. 3-5.
En ligne : http://www.jaures.info/collections/document.php?id=1221