N° 198, octobre-décembre 2010 : Lectures

Type de document : Article
Jacqueline Lalouette

Avant-propos

Table des matières

Ce numéro des Cahiers Jaurès est consacré à un ensemble de 74 recensions, correspondant à 78 ouvrages puisqu’il arrive qu’un seul compte rendu critique englobe deux livres proches par leur thématique. Vingt-cinq recenseurs ont œuvré, pour élaborer ce numéro, de manière inégale, il faut bien le reconnaître, puisque trois d’entre eux ont rendu compte d’une trentaine d’ouvrages. La plupart de ces vaillants coopérateurs sont français, mais six sont de nationalité italienne, allemande, anglaise ou américaine, ce qui contribue à donner aux Cahiers un certain caractère international, qui tient aussi à d’autres facteurs. Si la très grande majorité des livres recensés sont rédigés en français (un étant une traduction d’un ouvrage italien), trois le sont en italien et un en allemand. Par ailleurs, une douzaine sortent du domaine strictement français, relèvent de l’histoire comparée (portant sur la France et la Belgique, la France et l’Italie, la France et l’Allemagne ou bien sur des ensembles plus vastes, englobant, à propos des risques du travail, la France, la Belgique, l’Espagne, la Grande-Bretagne, l’Italie, et pour ce qui a trait aux assurances sociales les mêmes pays, à l’exception de la Belgique) ou de l’histoire de l’Europe, ou bien encore se rapportent à un pays étranger (Allemagne, Belgique, États-Unis, Italie, Roumanie). Indépendamment de leur thématique, sur laquelle nous reviendrons, tous ces livres ressortissent à plusieurs genres. Une douzaine de comptes rendus se rapportent à des éditions de sources, qu’il s’agisse d’écrits de théoriciens (Charles Andler, Jean Jaurès, Paul Lafargue, Ernest Renan, Carlo Rosselli, Gabriel Tarde), de personnalités politiques (Félix Faure), d’écrivains (Jean Guéhenno), de mémoires (Gaston Da Costa) ou bien encore des archives constitutionnelles de la Cinquième République. Notons au passage que l’une de ces recensions donne à son auteur l’occasion de rappeler, avec la plus extrême sévérité, que l’édition de sources obéit à des règles scientifiques très précises et que l’on ne doit pas, par exemple, procéder à des coupes dans le texte originel sans le mentionner très clairement. Une vingtaine de comptes rendus se rapportent à des actes de colloques ou à des ouvrages collectifs. Les autres ouvrages sont des œuvres individuelles ; s’y trouve un récit de fiction, relatant une grève de mégissiers survenue en 1909-1910, qui d’après son préfacier « rejoint tout à fait la réalité ».

Tous ces livres ont été répartis entre dix catégories correspondant à un sujet d’ensemble qui peut lui-même se décomposer en thématiques plus ou moins diversifiées. Le socialisme – cela va de soi – occupe une place prééminente avec des textes théoriques, des biographies (Aristide Briand, Jean Jaurès, Georges Guille…), des études consacrées aux organisations internationales (La Première Internationale) ou nationales (la SFIO, le PSU), à son rôle dans une sphère donnée (les paysans), dans des lieux précis, comme Tours – la vie politique du Havre étant, quant à elle, étudiée à partir du communisme – ou durant des époques déterminées (la Première Guerre mondiale). Occupant une place importante, les questions liées au travail sont vues sous l’angle de la contestation (bris de machine, grèves), des problèmes structurels (chômage), des difficultés des travailleurs (douleurs, risques) et de leur prise en compte (assurances sociales) et sous celui d’une réflexion de fond sur le sens et la valeur du travail ; un ouvrage consacré à l’histoire de la pollution industrielle a trouvé place dans un ensemble intitulé « Les mondes du travail ». Un autre groupe composé d’ouvrages relatifs à la Première Guerre mondiale (« la très grande guerre ») comprend deux volumes d’histoire comparée (associant la France et l’Allemagne), deux autres se rapportant aux positions des socialistes, deux aux refus d’obéissance et aux mutineries et un dernier ouvrage, original par son objet et sa conception, consacré à « trois objets de mort » (l’obus, le poignard, les gaz). L’unité des livres regroupés sous le titre « Histoire intellectuelle et culturelle » apparaît moins clairement, si ce n’est par ce rapport aux intellectuels et à la culture. Quatre des sources éditées s’y trouvent (Guéhenno, Renan, Tarde, lettres reçues par Maurras) ; cinq autres livres se rapportent à l’histoire et à la guerre des mémoires, à la conception de l’identité juive dans les écrits des romantiques, au « territoire d’images » né de l’Affaire Dreyfus ou à l’idéologie antitotalitaire de gauche. L’Affaire et l’antisémitisme apparaissent aussi dans la catégorie suivante (« Histoire politique des XIXe et XXe siècles ») grâce à deux ouvrages, les autres livres recensés répondant à des thématiques très diversifiées (l’indignité nationale, les honneurs, le duel, le corporatisme, les administrations coloniales, la Belgique) ; il convient de souligner trois ouvrages consacrés à la jeunesse, sous des éclairages différents il est vrai. Le XIXe siècle, défini comme « le siècle des exilés », réapparaît avec neuf ouvrages se rapportant à l’exil, à 1848 en France (sous l’angle d’une étude lexicale) et en Allemagne, à la Commune, de nouveau à l’Affaire Dreyfus – définie comme « un événement » ayant « contribué à forger une vision du monde » – à l’Action Française (qui aurait peut-être été plus à sa place dans le groupe précédent), à la construction de la Roumanie et au rôle de la Garde républicaine entre 1848 et 1871, grâce à un ouvrage qui permet d’aborder la question de l’ordre. La rubrique suivante est entièrement dévolue au XXe siècle, vu à travers l’histoire du gaullisme et de la construction du mythe gaullien, de l’antifascisme, du Parti communiste, des institutions de la Cinquième République, de celle des parlementaires, étudiés dans un cadre spatial bien défini (les élus de l’Aisne) ou par le biais d’une thématique précise (les vignobles, le vin, l’alcool) et enfin d’un ouvrage consacré à l’Europe du Nord-Ouest. Le dossier se clôt sur des ouvrages consacrés à des figures politiques, certaines très célèbres, d’autres plus modestes (comme Sigismond Losserand, l’édile tourangeau) ou demeurés « dans l’ombre » (Georges Boris) ; une œuvre originale, une pièce de théâtre, met en scène Léon Blum et Georges Mandel, dialoguant à Buchenwald et convoquant les deux grandes figures tutélaires de Jaurès et de Clemenceau.

Ce cahier de comptes rendus offre ainsi un riche panorama, dans lequel on voit se dessiner un grand nombre des objets d’étude qui retiennent l’attention des historiens, certains depuis de longues décennies, d’autres depuis une époque plus récente.

Il serait sans doute judicieux de s’intéresser au genre du compte rendu, exercice très spécial, mobilisant les aptitudes à l’analyse ou plutôt à la synthèse, privilégiant les présentations plutôt courtes ou au contraire les longs discours, soulignant ou ignorant (hélas le plus souvent !) ce qui a trait à l’écriture, au style des livres dont il est rendu compte ; on note à ce sujet que les auteurs des comptes rendus1 s’intéressent très peu aux titres, alors qu’il existe un véritable art du titre. Enfin, si certains auteurs expriment leurs critiques sans se départir d’une certaine rondeur bienveillante, mais non complaisante, d’autres écrivent avec une plume dont la pointe peut paraître acérée, trop acérée peut-être ; il faut n’y voir que le souci de donner aux Cahiers Jaurès toute la rigueur scientifique voulue.

Jacqueline Lalouette
Université de Lille III Charles de Gaulle – IUF

Notes de base de page numériques:

1. L’habitude semble se prendre de parler des « recenseurs » ; mais, en bon français, le recenseur (ou plutôt l’agent recenseur) s’occupe des recensements et non des recensions. Le mot chroniqueur ne serait pas non plus approprié. Nous nous en tenons donc à « auteur de comptes rendus » en attendant que l’usage ait créé le néologisme « recensionniste » (sur le modèle d’« ascensionniste »…)

Pour citer cet article

Jacqueline Lalouette, «Avant-propos », Cahiers Jaurès, N° 198, octobre-décembre 2010 : «Lectures», p. 3-6.
En ligne : http://www.jaures.info/collections/document.php?id=1163